Écrire, nous le faisons tous les jours. Écrire des SMS, des mails, des adresses sur des enveloppes, remplir des formulaires. C’est quelque chose que nous avons eu la chance d’apprendre. Nous, cela veut dire une majorité de personnes, mais pas tous. Car dans le monde, il y a des milliers, des millions de personnes qui ne savent pas forcément écrire. Plus de 770 millions d’après l’ISU (L’Institut de Statistiques de l’UNESCO). Pour 7 milliards d’humains, cela fait environ 10% des gens qui ne savent pas écrire correctement, voire pas du tout.
10% ça fait peu, mais 770 millions, ça fait beaucoup. Toujours la différence entre relatif et absolu. Ce n’était pas mon sujet de départ, mais ce chiffre de 770 millions m’a un peu interloqué. Alors j’ai fait un détour pour en parler. Je pensais être chanceux, mais je suis doublement chanceux.
En effet, j’ai la chance de savoir lire et écrire correctement. Et j’ai la chance de pouvoir utiliser cette compétence pour raconter des histoires qui apportent un peu de rêve aux autres. Bien sûr, entre écrire des mails et écrire une fiction, il y a plus qu’un pas, et il n’est pas petit. La compétence d’écrire suffit pour écrire, mais elle ne suffit pas forcément pour raconter. Là, il y a d’autres compétences à développer.
D’autres compétences pas forcément dépendantes de l’écriture, car au tout début, avant l’écriture, on racontait de façon orale. Je peux citer les griots d’Afrique mais aussi les conteurs de tous les pays du monde. L’écriture a permis de fixer les histoires, elle n’a pas permis de les raconter.
Je m’attarde car souvent, on rencontre quelqu’un qui n’a jamais raconté prétendre que écrire une histoire, ce n’est pas compliqué, que c’est facile, qu’il pourrait en écrire des livres ou des films. Je pense que là, on mélange deux domaines, l’écriture et la narration. Aujourd’hui, il est normal de faire cette confusion car les deux sont intimement liés. On « écrit » un livre, on le publie, mais on oublie qu’on raconte l’histoire avant de la mettre sur papier, ou, au moins, au fur et à mesure qu’on la met sur papier. On « écrit » aussi une chanson, une pièce de théâtre, un poème, une BD, etc, etc…
Je me suis rendu copte de cela en réalisant des BD. Au départ, j’écrivais mes strips sous forme de petit scénario en trois lignes, ou moins. Et puis, je crobardais les cases – comprenez, je dessinais des dessins petits et brouillons pour me faire une idée du contenu des cases -, je crayonnais, j’encrais et zou, tout le monde au scan pour la publication. Et puis avec le temps, j’ai franchi un cap. Pour les histoires courtes, je les corbarde directement. Donc, techniquement, je n’écris plus ces histoires, je les dessine.
Est-ce que je cesse d’être un auteur pour autant ? Non. Pas plus que le romancier qui raconte son roman à son dictaphone et n’écrit pas une ligne. Pourtant, son roman est là, dans la boîte. Savoir raconter, ce n’est pas forcément savoir écrire.
Écrire a l’avantage de vous permettre de poser les choses sur papier (ou sur écran) et d’y réfléchir, d’y revenir, de retrouver e que vous aviez écrit plus tôt. C’est une aide capitale pour avancer et structurer son histoire, pour la relire et la corriger, l’améliorer. Mais ce n’est pas tout. Avant l’écriture, au-delà de l’écriture, il y a l’acte de raconter. Ça s’apprend. Et dans ce monde, je crois qu’il y a plus de gens qui ne savent pas raconter une histoire, la créer de toutes pièces, que de gens qui ne savent pas écrire. Mais je pense aussi que dans ces 770 millions de gens qui ne savent pas utiliser une plume ou un clavier, il y en a beaucoup qui n’auraient pas leur pareil pour vous raconter une histoire.
Mais heureusement pour nous tous, écrire, raconter, les deux s’apprennent.
A bientôt…