Ce poison a commencé à se répandre à petite dose depuis bien avant ce mois d’avril. Le Virus du COVID-19 s’est propagé dans le monde, a provoqué de nombreux décès et rendu encore plus de gens malades. La réaction ne s’est pas faite attendre – ou peut-être, si, un petit peu quand même -. Suite aux mesures gouvernementales, nous voilà donc en confinement. Tous également traités de la même manière, mais il s’avère que nous ne sommes pas tous égaux face au confinement. Être cloitré chez soi, ce n’est pas la même chose quand on est seul dans un grand appartement avec terrasse que si l’on est un couple avec trois enfants dans un 43m2 mal agencé. Le télétravail, ce n’est pas la même chose quand votre employeur n’y voit pas d’inconvénient ou quand votre employeur vous rappelle que votre profession ne permet pas le télétravail et que le confinement ne sera pas pour vous. Pensez au personnel d’entretien, aux employés du bâtiment ou à d’autres encore.
Et le dernier point est bien sûr que nous ne sommes pas psychologiquement égaux. Certains se plaisent à rester une semaine chez eux rivés devant un écran, d’autres suffoquent au bout de deux jours. Nos limites psychologiques sont toutes particulières. Et il nous faut prendre conscience de ces effets. Moi, en tant qu’auteur, j’ai énormément de chance. Toutes mes séances de co-écriture peuvent s’effectuer aussi bien à distance qu’en présentiel. Je suis donc passé à distance. Toutes mes interventions en atelier et autres stages que je donnais ne peuvent se faire car les écoles et centres qui m’accueillaient ont fermé leurs portes. Donc, ce problème est réglé. Mais je préfère voir le verre à moitié plein ( et ma chance est aussi le fait de pouvoir y arriver) et me dire que je gagne du temps pour avancer sur mes projets personnels. Sortir une fois par semaine pour les courses, ne plus prendre les transports en commun, travailler en vase clos ne me posent pas de souci majeur. Au contraire, c’est une manière d’avancer en perdant moins de temps. Combien de semaines vais-je tenir ? Je ne sais pas mais comme on dit: « Jusqu’ici, tout va bien… » alors je continue.
Ce virus nous amène dans une situation curieuse que nous n’avions jamais connu précédemment, en tout cas, je parle pour les habitants de notre pays ceux qui n’ont pas connu les guerres mondiales. Une situation de crise majeure. Et dès lors, on repère de manière plus flagrante la dualité de la politique. Dualité qui se ressent dans les décisions de ceux qui nous gouvernent. Prendre des décisions de sécurité sanitaire, et prendre des décisions économiques viables. Il faut sauver les gens (sinon, bon, on a un peu échoué quelque part quand même) et il faut faire tourner l’argent (sinon, le système s’écroule et nous en ferons les frais, paraît-il). Deux mesures qui impliquent parfois des décisions opposées. On ferme les écoles pour raisons sanitaires (limiter la contamination chez les enfants et le personnel scolaire), on les rouvre pour raisons économiques (permettre aux parents de poser leurs enfants quelque part pour retourner travailler). Serait-ce là l’illustration politique du dilemme cornélien ? Quelque soit le choix, il y aura de la casse.
Ce confinement soulève plein de questions, il nous montre comment l’air se dépollue du fait que la circulation de tout types de véhicule diminue, il nous montre l’inutilité pour certaines professions de se cantonner à du présentiel au bureau, il nous montre les pénuries de notre système de santé et il nous montre que nous n’avons pas tant besoin que cela de la société de consommation. Enfin, tout dépend de quelle consommation on parle… Bref, il fait émerger tout un tas de réflexions qui incite les gens à parler d’un « Après » différent. Le monde peut changer. Et pour certains, il est sûr qu’il changera. L' »Après » sera « Autre ».
Mais quand la machine se relancera, que tout le monde retournera travailler, que les voitures pollueront à nouveau, que les magasins rouvriront, appelant à la consommation pour sauver l’économie, que les gens n’auront plus de sujet d’inquiétude, il risque fort d’apparaître que l' »Après » ressemblera énormément à l' »Avant ».
Nous aurons encore eu une prise de conscience que le monde peut être géré différemment, peut évoluer autrement, que nous pouvons changer la donne. Encore une. Mais c’est tout. Rappelons qu’une prise de conscience n’est que le début d’un éventuel changement.
L’alcoolique peut prendre conscience qu’il a un problème avec l’alcool, c’est un énorme pas. Ce n’est pas pour autant qu’il s’arrêtera de boire et que son monde va changer. Nous avons bien conscience que l’argent a pris le pouvoir sur l’humain dans nos systèmes politiques. Ce n’est pas pour cela que nous allons replacer l’humain au cœur du système et changer notre monde.
Oui, le monde doit changer. Oui, nous en avons conscience. Mais non, nous n’agirons pas pour qu’il change. Pourquoi ? Parce que les problèmes de notre monde ne nous impactent pas directement ? On reproche aux gouvernements de n’agir qu’une fois dos au mur, pour ne pas se crasher, mais ne faisons-nous pas pareil quand il s’agit de changer notre monde, ou même notre vie ? Nous nous convainquons qu’il n’est pas assez mal en point pour agir, et surtout que sa chute ne nous impacte pas suffisamment pour que nous nous bougions. Finalement, le monde bascule et moi, je me dis « Jusqu’ici, tout va bien… » et je continue ma vie. Mais quelle action entreprendre à mon niveau pour faire évoluer le système ? Dans l’ignorance de la réponse, je reste immobile.
Finalement, ce poison qui coule en nous n’est pas le virus du COVID-19, c’est peut-être l’immobilisme, la lourdeur mentale qui nous empêche d’agir à bon escient pour changer. Et c’est une maladie grave dont nous souffrons tous, un mal bien plus dangereux que le COVID-19, un fléau dont nous n’avons pas encore pris conscience, nous, les humains. Une plaie qui scellera probablement notre perte un jour, mais bon, comme on dit souvent: « jusqu’ici, tout va bien » alors continuons à vivre ainsi…
Ou pas ?
A bientôt.